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Benjamin Drieu à propos de la traduction de la GNU GPL

Benjamin Drieu est Vice Président de l'association APRIL. Il contribue activement au mouvement du Logiciel Libre depuis 1996. Il est notamment coauteur de la publication collective "Libre enfants du savoir numérique" (2000) et de "Configurer et installer un Logiciel Libre" inclus dans les manuels de la distribution Mandrake depuis la version 7.0 (publié sous GPL).

Benjamin dresse l'état des lieux de l'effort de traduction et d'adaptation de la licence GNU GPL au droit Français. La FSF France fournit son assistance à ce projet.

Comment a été lancé le projet de produire une version française de la GNU GPL ?

Au début de l'année 2001, chez Alcôve, par hasard, Mélanie est venue me voir pour avoir de l'aide sur une traduction de la GNU GPL sur les termes informatiques. J'avais déjà été impliqué dans plusieurs traductions et y avait gagné une certaine familiarité avec le vocabulaire. J'étais en disponibilité et nous avons commencé à travailler dessus.

Elle avait décidé d'entamer ce travail de son propre chef ?

C'est une demande qui lui a été faite par RMS et qu'elle a accepté.

Comment concrètement avez vous procédé ?

On a décidé de ne pas repartir à zéro. Les traductions de Nat Makarévitch et Sophie Manoury qui ont été faites pour APRIL et celle de Jean Méhat qui date de 1991 nous ont servit de base. Avec un diff nous avons constaté que beaucoup d'interprétation avaient été faites et que des termes juridiques étaient incorrects.

Nous avons repris les portions les meilleures dans chacune et nous les avons assemblés. Nous avons constaté que des passages étaient très difficiles à traduire ou peu explicites.

Comment s'est fait l'identification de ces points ?

Afin de clarifier ces points nous les avons tout d'abord tous identifiés puis émis une série de questions destinées à RMS et Eben Moglen.

La convention de Berne n'est-elle pas suffisante pour assurer l'application de la GNU GPL en anglais dans chaque pays signataire ?

Je connais des généralités à ce sujet, Mélanie serait plus apte à répondre sur ce point.

Pouvez-vous me donner des exemples de point de traduction délicat ?
La méta programmation.
Dans la GNU GPL, il est question de programmes qui génèrent des programmes (c'est le cas de bison ou d'automake par exemple) cela laisse beaucoup à l'interprétation des juristes. Pour un informaticien le concept est familier mais un juriste le comprendra différemment. Nous avons donc du trouver des termes et une formulation qui soit compréhensibles à la foi par les juristes et les développeurs. Je fais référence à ces phrases en particulier:

The act of running the Program is not restricted, and the output from the Program is covered only if its contents constitute a work based on the Program (independent of having been made by running the Program). Whether that is true depends on what the Program does.

L'utilisation du you
Elle a été problématique car pour un juriste français dire "vous" a une signification différente. Nous avons envisagé l'utilisation du terme "concessionnaire" pour régler ce problème. C'est un point purement juridique sur lequel Mélanie pourra en dire plus.

La limite de trois ans
Un point de détail apparaît dans le chapitre suivant:

b) Accompany it with a written offer, valid for at least three years, to give any third party, for a charge no more than your

La période de trois ans est peut-être une limite arbitraire, peut-être une référence à un point légal du système juridique américain. C'est un point sur lequel une question doit être posée à RMS et Eben Moglen.

Avez vous rencontré des difficulté conceptuelles ?

La licence GNU GPL est très riche conceptuellement et c'est une source de difficultés. En très peu de mots un concept est introduit et le traduire en gardant fidèlement la sémantique du paragraphe s'avère épineux.
Le paragraphe concernant les brevets

Finally, any free program is threatened constantly by software patents. We wish to avoid the danger that redistributors of a free program will individually obtain patent licenses, in effect making the program proprietary. To prevent this, we have made it clear that any patent must be licensed for everyone's free use or not licensed at all.

Ce paragraphe est un point important qui est collatéral à la licence mais qui est essentiel à la compréhension de la GNU GPL. Dans les traductions qui nous ont servit de base, ce paragraphe a été transcrit en usant de périphrases qui affaiblissent ou perdent le sens original. Nous avons préféré passer plusieurs heures à obtenir une traduction fidèle plutôt que de se contenter d'une version approximative sur le motif que c'est un sujet périphérique à la licence.

Mélanie a même soulevé le fait que ce paragraphe pouvait être interprété comme disant que l'auteur d'un programme sous GNU GPL n'a pas le droit de déposer de brevet restrictif.

Définition du code source
Dans le paragraphe qui définit ce que signifie code source (il commence par The source code for a work means the preferred form of the work for making modifications to it. For an executable work, complete source...) nous avons eu des difficultés à établir ce qu'était "preferred form". Dans le cas de bison par exemple le code généré est parfaitement compréhensible mais ce n'est pas la forme initiale ni la forme sur laquelle le développeur a travaillé.

La GFDL contient une définition beaucoup plus précise de ce que signifie le code source pour une publication électronique, avec des exemples. Peut-être parce que la problématique n'est pas la même.

Licence sous cellophane
Le paragraphe 5 (You are not required to accept this License, since you have not signed it. However, nothing else grants you permission to modify or ...) nous a amené à rapprocher cela des licences sous cellophane ou l'ouverture du cellophane équivaut à une signature de la licence. Dans ce sens je crois qu'elle est acceptable en droit français.

Vous mentionnez les clauses relatives au brevets. Mais les brevets logiciels sont explicitement interdits en Europe (EPC 52.2), ces précautions sont-elles nécessaires ?

C'est nécessaire car un programme peut être écrit et copyrighté en Europe mais être distribué et modifié dans des pays ou les brevets logiciels sont légaux. Il est donc nécessaire de conserver ces clauses afin de protéger le programme dans tous les pays.

En particulier le paragraphe 8. (If the distribution and/or use of the Program is restricted in certain countries either by patents ...) permet d'exclure la possibilité de distribuer le programme sous GNU GPL dans les pays ou l'application de la GNU GPL à ce programme serait contraire à la loi.

Une loi récente en Pologne rendait impossible dans certains cas l'application de la GNU GPL et l'existence de ce paragraphe prenait tout son sens.

Comment avez-vous abordé le problème de l'absence de garantie ?

Nous l'avons traduit tel quel pour l'instant. Il faut l'adapter et cela a fait l'objet d'une question à RMS et Eben Moglen. La plupart des programmes non libres disent assez clairement quelque chose de similaire. Le logiciel est une des marchandises ou l'utilisateur à le moins de recours en cas de dysfonctionnement.

Pendant combien de temps avez-vous travaillé dessus ?

J'y ai passé environ trois jours pleins et Mélanie a travaillé un peu plus longtemps sur le sujet.

Comment voyez-vous le rôle de la FSF Europe dans ce processus de traduction ?

Comme il y a une grande part d'interprétation, plus d'intervenants permet d'arriver à un consensus. Cela permet aussi d'amener plusieurs juristes à travailler sur ce problème. Ce serait une contribution vraiment importante. Et la FSF Europe est le meilleur vecteur pour démocratiser l'utilisation d'une GNU GPL en français.

Loïc Dachary

 
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Mis à jour : $Date: 2004-10-17 18:29:36 +0200 (Sun, 17 Oct 2004) $ $Author: wikifr $